lundi 2 janvier 2012

Pierre Bonny et la "Gestapo française" de la rue Lauriston

Pierre Bonny en octobre 1944

Pierre Bonny, l'un des dirigeants de la "Gestapo française" de la rue Lauriston, est un personnage qui figure dans plusieurs textes de Patrick Modiano. Cité nommément dans La Place de l’étoile, il se retrouve transposé sous les traits de Pierre Philibert dans La Ronde de nuit.

Fils d’agriculteurs, Pierre Bonny entame une carrière de policier en 1918.

Il acquiert une première célébrité en 1923, avec l’affaire Seznec. Il mène alors l’enquête sur le crime dont est accusé Guillaume Seznec, un négociant en bois de Morlaix soupçonné d’avoir tué Pierre Quemeneur, conseiller général du Finistère. La "découverte" par Pierre Bonny d’une pièce à conviction, une machine à écrire, joue un rôle clef. Elle va conduire Guillaume Seznec au bagne, alors qu’il s’agissait d’une machination policière, assurent ses défenseurs. Bonny lui-même évoquera beaucoup plus tard sa "certitude" que Seznec était innocent.

Quelques années ensuite, Pierre Bonny se retrouve mêlé à un autre dossier trouble, l’affaire Stavisky. Il est chargé de mener l’enquête sur Alexandre Stavisky, un escroc de charme retrouvé mort en janvier 1934. Ses méthodes lui valent d’être suspendu, sur le point d’être révoqué, lorsqu’il retrouve soudain là encore une pièce à conviction, les talons de chèques de Stavisky. Il est alors réintégré dans ses fonctions et même qualifié de "premier policier de France" par le ministre de la justice Henry Chéron.



Modiano reprend cette anecdote dans La Ronde de nuit:
"-Vous auriez dû expliquer à ce jeune homme que j’étais un policier, rien de plus !
-Le premier flic de France ! C’est un ministre qui l’a dit !
-Il y a bien longtemps, Henri !"

Suit l’affaire Prince, du nom d’un ancien chef de la section financière du Parquet qui avait enquêté sur Stavisky. Lui aussi est retrouvé mort, le corps déchiqueté par un train près de Dijon. Crime, suicide ? Pierre Bonny désigne vite des coupables, mais ceux-ci sont rapidement relaxés, tandis que l’inspecteur est mis en cause.


En 1935, il est révoqué pour fautes graves, puis condamné pour corruption.

La guerre lui permet de revenir à flots. En 1941, il rejoint la "Gestapo française" installée 93 rue Lauriston (XVIème arrondissement), qui pratique à la fois les "interrogatoires poussés", le meurtre et la rapine. Avec Henri Chamberlin dit Lafont, il se retrouve ainsi à la tête d’un groupe de "gestapistes français", qui compte une vingtaine de condamnés de droit commun libérés à sa demande : truands, hommes de main, proxénètes, etc.

Dénoncés par Joseph Joanovici, capturés le 31 août 1944 dans une ferme de Seine-et-Marne, Henri Lafont et Pierre Bonny sont condamnés à mort le 12 décembre 1944. Ils sont exécutés le 27 décembre en compagnie de six autres membres de la bande, dont Eddy Pagnon.

A lire :
- Pierre Bonny, « l’homme du déshonneur », par Christophe Boltanski, "Libération", 5 octobre 2006.

un portrait de Pierre Bonny sur le site de l’association France-Justice "Justice pour Seznec"
- Jacques Bonny, Mon père, l'inspecteur Bonny, ed. Robert Laffont, 1975.


A voir :
- Le jugement de Bonny et Lafont, dans les archives de l’INA.
- Une photo de Pierre Bonny lors de son arrestation pour une affaire de chantage, à Paris, vers 1938.

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